sheon a écrit:Cortese a écrit:En tout cas l'équipage Fitch -Levegh n'était certainement pas un challenge pour les super stars Fangio - Moss. A mon avis ils ne faisaient partie que de la deuxième réserve, encore après Kling - Simon (qui etaient tous deux pilotes de GP). Levegh était un sportif amateur déjà âgé de 50 ans. Fangio - Moss n'étaient même pas désignés comme lièvres, ils étaient bien là pour gagner, preuve en est que c'est Fangio qui a été désigné pour le départ malgré son âge (44 ans), son embonpoint et ses jambes arquées (qui lui ont valu son surnom "El Chueco").
Tu as peut-être mal compris les dialogues, il n'y a aucune ambiguïté justement sur le fait que Fangio et Moss auront la victoire, d'autant plus que Neubauer demande à Levegh/Fitch de leur servir de lièvre au lieu de poursuivre Hawthorn.
Cortese a écrit:Le film ne parle pas de Hawthorn, le responsable du drame ni de son arrêt calamiteux 80 mètres plus loin que son stand, ni de sa sortie épouvanté de la Jaguar, courant en tous sens, en pleine crise d'hysterie, et s'accusant de "la mort de tous ces gens". Bref, il aurait fallu se documenter un peu quand même. Peut être que c'était compliqué de donner le beau rôle aux Allemands et le mauvais aux Britanniques ?
C'est fait exprès, ce court-métrage n'est pas là pour accuser qui que ce soit mais plutôt pour s'interroger sur la bonne réaction à avoir en de telles circonstances.
Fitch-Levegh des lièvres ? L'équipage le plus lent serait destiné à accumuler les records du tour pour faire casser la Jaguar d'un des trois pilotes les plus rapides du monde ? C'est pas sérieux. Comme je le disais, Levegh avait 50 ans, il a toujours été un pilote amateur. L'opinion générale c'est que Mercedes l'a pris pour "se rattraper" de leur victoire un peu volée de 1952, lorsque Levegh a cassé dans la dernière heure alors qu'il avait mené depuis l'abandon de la Gordini de Manzon pendant la nuit, héroique, seul au volant de la Talbot-Lago. La guerre était encore dans les mémoires et il semble qu'il y avait même un camp de concentration nazi dans les parages. Mercedes voulait sans doute faire oublier les "méchants Allemands". En tout cas à l'époque, la règle en matière de stratégie était d'engager trois voitures avec un rôle bien défini pour chacune (et on pouvait compter sur Neubauer pour ce qui était de l'organisation et la discipline) : les pilotes de F1 (qui étaient sensés ne jamais arriver à finir la course, car roulant trop vite) sur la voiture la plus rapide jouaient les lièvres, les seconds couteaux mais néanmoins rapides (clairement Kling (qui avait battu Fangio au GP de l'AVUS l'année précédente) et Simon (pilote Gordini en F1/F2)) étaient destinés à avoir le bon rythme pour gagner, en tournant dans des temps impartis à l'avance, et enfin l'équipage le plus lent dont la mission était de finir coûte que coûte (Fitch-Levegh) pour éventuellement profiter de la casse chez la concurrence. Dans le déchainement médiatique qui a suivi l'accident, c'est d'ailleurs Levegh qui avait été mis en accusation par la presse en disant qu'il était bien trop vieux, lent et peu entrainé pour conduire une voiture aussi performante que la 300SLR (je rappelle que c'était une F1 élargie, avec le même identifiant en interne : W196, R pour la F1 et S pour la Sport), il n'avait jamais couru avec, il a juste bénéficié de séances d'entrainements à Hockenheim, au terme desquels il dira d'ailleurs à un journaliste "que cette voiture était beaucoup trop rapide".
Dans les faits, les temps au tour de Levegh étaient tout à fait convenables par rapport au tableau de marche qu'on lui avait demandé, c'est à dire modéré, puisque après deux heures de course, Hawthorn venait bien de lui prendre un tour au moment de l'accident. En tout cas si Fangio arrivait difficilement à rejoindre Hawthorn, ce n'est certainement pas Levegh qui y serait arrivé.
Je maintiens donc ce que je disais, le film est beaucoup trop romancé, peu documenté et ne pose pas les bonnes questions aux bonnes personnes, parce que chez Mercedes, on n'avait rien à se reprocher, et on a continué la course sans rien changer jusqu'à l'arrivée de la décision du Directoire de Stuttgart (le moment a peut être été choisi délibérément assez tard, pour bien montrer l'écrasante supériorité des voitures grises, puisque Fangio-Moss avaient trois tours d'avance sur Hawthor-Bueb à une heure du matin). Il me semble d'ailleurs que Neubauer avait auparavant été voir Lofty England pour lui proposer un retrait commun. Les bonnes questions c'est bien chez Jaguar qu'il aurait fallu les poser, c'est là où il y avait vraiment de quoi faire un drame psychologique. Hawthorn excité par la bagarre avec Fangio voulait absolument finir son relais en tête, et s'il avait du patienter quelques secondes derrière l'Austin Healey, c'était cuit, Fangio passait en tête devant les stands. Alors il a tenté cette manoeuvre complètement folle, debout sur les freins pour ne pas rater son stand (on a vu qu'il l'a quand même largement dépassé), qui a bloqué Macklin et déclenché la catastrophe. Le témoignage de Macklin et des autres anglais a été (tardivement rapporté) parfaitement clair : Hawthorn était conscient de sa responsabilité, et le clan anglais, Macklin, Lofty England (le directeur de course de Jaguar) l'ont encadré pour le ramener au stand (il courait en tous sens), le ramener à la raison tout court, l'empêcher de parler aux journalistes ou aux officiels, le calmer puis le remettre dans la voiture après le relais de Bueb. Il fallait sauver le soldat Hawthorn et l'honneur britannique. Et on a chargé le malheureux Levegh.