Journée de lutte contre la douleur : non, les maladies imaginaires, ça n’existe pas !>Société>Santé|Elsa Mari| 15 octobre 2018, 6h21 | MAJ : 15 octobre 2018, 6h38 |10De nombreux Français souffrent encore de maladies ignorées qui leur gâchent la vie. (Illustration) Garo/Phanie
Plus de 4 millions de Français souffrent de maux invisibles aux radios ou aux IRM. Les pathologies, diverses, souvent inconnues et rares, sont longues à être diagnostiquées. Mais sachez, en ce lundi, journée mondiale de lutte contre la douleur, que les progrès arrivent…Il y a Rose qui s’est longtemps réveillée la mâchoire engourdie, la nuque trempée, les poignets brûlants avant d’être diagnostiquée fibromyalgique. Blaise, en errance médicale des années, qui ne savait comment déloger ses maux de tête à se jeter par la fenêtre. Anne-Marie, qui a vu sa nièce internée alors qu’elle était atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos. Et tant d’autres noms.
En cette journée mondiale de lutte contre la douleur, plus de 4,2 millions de Français souffrent de maux invisibles aux examens. IRM, scanner, radio, rien n’apparaît… Malades imaginaires ? Absolument pas, riposte le professeur Serge Perrot, rhumatologue à l’hôpital Cochin à Paris, qui explique qu’une nouvelle catégorie de douleurs vient d’être reconnue par l’association internationale d’étude spécialisée sur le sujet.
Chez certains patients, elles seraient causées par une perturbation du circuit électrique dans le cerveau. Ce système dysfonctionnerait à cause d’un choc émotionnel, un traumatisme physique, enverrait de mauvais signaux de douleurs comme dans le cas de la fibromyalgie. Du coup, « on ne doit plus dire qu’elles sont inexpliquées ».
« C’est une approche très novatrice, se réjouit le docteur Anissa Belbachir, présidente des comités de lutte contre la douleur de l’AP-HP. Cette nouvelle classification n’explique pas tout mais c’est une première porte ouverte ».
Céphalées terribles, glossodynies…Il faut dire que les maux invisibles sont très divers, souvent complexes, chroniques. Céphalées terribles, du matin au soir, glossodynies, syndrome de la bouche brûlante, douleurs dans un sein pourtant enlevé (chez 30 % des femmes même si elles sont guéries). La liste est longue. Le diagnostic impossible, ou parfois excessivement long. Alors, il faut toujours croire les patients, répètent les experts. « En 2018, on ne trouve pas toujours la cause mais on se doit de les écouter », explique Alain Serrie, chef de service de la douleur à l’hôpital Lariboisière (AP-HP), à Paris.
LIRE AUSSI >«Arrêtons de dire aux patients, c’est dans votre tête»
D’ailleurs, selon les spécialistes, la France a évolué, la parole est davantage considérée. « On ne dit plus, vous êtes folle ou vous n’avez rien. On informe aussi beaucoup plus le patient sur son état », reprend Anissa Belbachir. Même s’il reste ce fond de « courant paternaliste » selon Deborah Haddad-Baudry, psychologue et hypnothérapeute au centre antidouleur du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).
Un traitement personnalisé associé à de la médecine douce« Il y a encore cette toute-puissance de la blouse blanche qui, lorsqu’il n’a pas de réponse, pense qu’il n’y a pas de problème ». Et aujourd’hui, ces patients en errance sont plus facilement orientés vers les 250 structures spécialisées de l’Hexagone qui les soignent avec un traitement personnalisé associé à de la médecine douce.
Mais si on écoute mieux, l’accès aux soins se fragilise. Les spécialistes sont de moins en moins nombreux alors que le temps d’attente pour une consultation reste toujours très long, de 3 à 10 mois. « Beaucoup partent à la retraite. Ces structures spécialisées* sont aussi amenées à disparaître, faute de moyens. Une dizaine a déjà fermé », se désole Alain Serrie, coauteur d’un rapport alarmant qu’il vient de remettre à l’Académie de médecine, dont il est membre.
Pourtant, la France avait été pionnière, la première au monde à avoir lancé un plan contre la douleur dans les années 1998-2001, qu’Alain Serrie avait piloté lui-même. « Aujourd’hui, ce n’est plus une priorité. On est en train de reculer ». Et pourtant, les experts le redisent. Pour aider tous ces Français en détresse, il faut du temps, du monde.
Selon Anissa Belbachir : « On s’intéresse à leur vie, leur passé. Il faut oser aller plus loin, c’est comme ça que l’on peut obtenir un déclic, trouver une solution ».
ENFIN DES MOTS SUR DES MAUXAlgie vasculaire de la face. Elle se caractérise par une douleur localisée autour de l’œil, irradiant tout un côté du visage et parfois même jusqu’à l’épaule. Les douleurs sont comparées à des brûlures. Affection rare (prévalence autour de 0,5 %) et mal connue, elle touche plutôt des hommes jeunes. Le retard de diagnostic moyen est de dix à quinze ans.
Glossodynie (syndrome de la bouche brûlante). La douleur de la glossodynie se situe surtout sur la pointe ou les bords de la langue et touche essentiellement les femmes ménopausées. Il n’existe aucun test diagnostique spécifique du syndrome de la bouche brûlante. Celui-ci concernerait 1 % de la population.
Le syndrome de l’intestin irritable. Il s’agit d’un trouble digestif qui se caractérise par des malaises ou des sensations douloureuses au ventre. Ces malaises sont associés à la modification de la vitesse de passage des aliments dans le côlon. Ce syndrome toucherait de 10 % à 20 % de la population des pays occidentaux, surtout des femmes.
La fibromyalgie. C’est un syndrome caractérisé par des douleurs diffuses dans tout le corps, associées à une grande fatigue et à des troubles du sommeil. Les médecins ne parvenant pas à détecter de lésion ni d’inflammation permettant d’expliquer ces symptômes invalidants, la fibromyalgie reste mal comprise. On estime qu’environ 2 % de la population en est atteinte.
Algodystrophie. Elle est appelée aussi syndrome douloureux régional complexe (SDRC) et est caractérisée par une douleur continue d’une région du corps à l’extrémité d’un membre. La douleur ne correspond pas à un territoire neurologique circonscrit, c’est pourquoi elle intrigue les médecins. Elle s’associe à d’autres manifestations telles des œdèmes, une sudation excessive… On estime à 15 000 le nombre de malades.
*Trouvez un centre sur
http://www.sfetd-douleur.org/les-struct ... -chronique