On est deux, ici, grands fans devant l'Eternel de Vance, Cortese et moi !
Je viens juste de terminer deux bouquins de lui. L'un des deux, absolument indigeste, car écrit à ses tous débuts. Je l'ai lu par devoir, comma qui dirait. Aucune trace de son style, fait d'une certaine forme d'humour, de cynisme, etc. On est carrément dans le space opéra de base, écrit en 53, je crois. Bon, ça m'a permis tout de même de constater qu'on naît rarement avec la science infuse, mais qu'il faut travailler, chercher, cent fois sur le métier remettre l'ouvrage... pour acquérir cette chose précieuse entre toute, en art : le style.
Parce que Vance, ce qui est assez rare dans ce qu'on appelle la SF, possède un style unique.
Avec aussi une ligne narratrice-directrice qui traverse l'essentiel de son œuvre : un mec, plutôt jeune, pas trop vieux, souvent expert en combats mais pas invincible, loin de là, super malin, plein de bon sens, mais qui se fait avoir souvent ! Face à une épreuve : vengeance, (en)quête, movie road planétaire... Multitude de "sociétés" créées de toutes pièces, plus fantaisistes les unes que les autres, avec toujours des mœurs foldingo, mais cohérentes et parfaitement organisées. Vance décris toujours méticuleusement chaque société (humaine ou extra terrestre) qu'il invente. Parfois totalement exotiques, parfois prolongements intergalactiques de sociétés terriennes parfaitement prosaïques, telles que par exemple la société WASP de Boston, les tribus des déserts divers et variés, les grandes dynasties moyenâgeuses Européennes, etc etc... Toujours cocasses, absurdes, jouissives, et déjantées ! La musique, un mélange de trucs celtiques et de fanfares autrichiennes, est toujours présente. Ainsi que la bouffe. Là, c'est exotisme intégral. Les costumes ! Ah les costumes des mondes de Vance ! Et je te fous des ponpons par-ci, des dentelles délicates par-là, collants, bérets larges et soieries à la vénitienne, bouclettes et fardages de tout genre, le tout flanqué de hasardeuses explications anthropologiques qui n'engagent que Vance lui-même ! Car Vance ne s'encombre surtout pas de réalisme : ses personnages traversent des parsecs innombrables sans s'encombrer d'histoires d'hyper espace ou de réacteur à injection dimensionnelle triphasique ! On embarque, on fermer les portes, et hop ! on voyage ! tranquille ! Souvent, ses vaisseaux sont élégants, confortables, avec tout ce qu'il faut et qui ne déparerait pas dans un paquebot des années 30. Bar, restau de luxe, fumoir, tenues de soirée de circonstances, etc. Un autre trait aussi du style de Vance, ses histoires sont souvent des sortes de récits policiers : un suspens, du meurtre, de l'enquête, des détectives, des poursuites, la police... Le tout sur fond interplanétaire, et toujours ce style littéraire unique, sentant bon l'ironie, la fumisterie de bon aloi, et l'élégance aristocratique naturelle...
Il y a bien entendu le Cycle de Lyonesse, un sommet dans le style Héroic Fantasy médiévale. Personne jamais n'a décrit le monde des fées, des faunes grouillantes des forêts magiques à la Brocéliande, des Magiciens, des Rois et autres "tableronderies", etc, comme Vance. Un sommet ! Et toujours bien entendu, son style. Ah oui, dans ce roman en 3 tomes, comme dans beaucoup d'autres, Vance montre une incroyable virtuosité lorsqu'il se met littéralement dans la peau d'une certaine catégorie de ses personnages : les jeunes filles ado de 13-14 ans. Criantes de vérité ! On sent bien que le vieux marin (son premier métier, qui explique son sens des voyages, des rencontres...) avait des goûts pour le moins, juvéniles !
. Mais bon, c'est absolument un pur délice !
Dan Simmons, l'un des plus grands écrivains de SF (Hypérion), le considère comme un maître. C'est dire.
Voilà en gros