AllegroTurbo a écrit:Peut-on réellement parler d'adaptation dans le cas du film qui nous occupe? C'est un jeu, une boutade, un exercice de style (douteux le style si tu veux), c'est un truc de chansonnier : reprendre un air connu et y coller des paroles nouvelles et souvent limitées à un clin d’œil humoristique ou très éloigné du texte de départ. C'est avec cet angle là que j'ai regardé et apprécié "Orgueil et préjugés et zombies" (non, mais rien que le titre quoi...).
Où il y a une oeuvre, peu importent ses intentions, je la traite comme tel: une oeuvre dont la forme même a des prétentions, qu'elle le veuille ou non. Chardin et le peintre du dimanche ont tous les deux oeuvré. Et même si le peintre du dimanche me dit qu'il a voulu faire une toile gentille pour lui et ses amis, je ne le force pas à l'exposer au public.
Je reconnais volontiers que tu as été un spectateur plus exemplaire que moi devant le film, puisque je n'ai pas vraiment joué le jeu qui consiste à se faire le spectateur que l'oeuvre attend de toi. C'était au-dessus de mes forces !
Silverwitch a écrit:AllegroTurbo a écrit:C'est donc si tu préfères une incompatibilité de nature.
J'ai du mal avec les essentialisations, particulièrement en art rien où n'est incompatible "de nature", et d'ailleurs l'anti-romantisme du roman (!) de Jane Austen - que tu décris si bien - mène à une des lettres d'amour de littérature des plus romantiques qui soit...et très naturellement
Si l'oeuvre a un sens, pour faire simple, disons qu'elle dit quelque chose, alors comme tout acte de communication, elle dit
cette chose (même si cette chose est souvent impossible à circonscrire entièrement, en partie pour les raisons que tu décris mais pas seulement) et pas le contraire de cette chose. Mais bon, c'est la question du point de vue, la question du sens et de la signification. Si on va sur ce terrain, nous n'en avons pas fini !
Ici, j'identifie toujours cette incompatibilité, les romans de Jane Austen déniaisent le sentiment et le réel en révélant sa complexité, les fils invisibles qui en constituent la trame. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de sentiments, ou même de sentimentalisme, mais que le point de vue du roman (de tous ses romans, peut-on dire sans exagérer) produit un renversement dont le film discuté ici nous éloigne à mon avis terriblement et de manière irréconciliable.
J'en reviens à mon questionnement initial sur la trahison inhérente à l'adaptation. Les adaptations trahissent souvent
l'essentiel, reste à l'identifier. Mais arrêtons, j'ai sans doute déjà trop tiré sur les fils, tu n'as pas besoin de justifier plus que de raison la signification que ce film a pour toi et tu l'as déjà fait de manière plus que convaincante. N'y vois pas autre chose qu'une curiosité amusée devant la révélation de correspondances mystérieuses, ton goût pour Jane Austen en premier qui fait mon bonheur ce soir. Il aura fallu ce drôle de film.