Marlaga a écrit:Silverwitch, l'obstacle sur lequel ta réflexion se heurte, c'est qu'une prison qui serait assez douce pour respecter la dignité humaine dans toutes ses acceptations serait un hôtel plus confortable que ce que beaucoup d'honnêtes gens ne peuvent se permettre par leur misérable salaire.
Si tu reprends mon propos, je défends l'idée d'une royauté de l'être humain, c'est-à-dire de son universelle dignité.
Tous les êtres humains ont droit à des conditions d'existence décentes, qu'ils soient privés de liberté ou non. Tu n'es pas obligé de partager ce point de vue, évidemment, mais il faut le comprendre pour le critiquer.
Marlaga a écrit: Autrement dit, la prison ne serait plus une peine mais un dortoir tranquille où on passerait le temps aux frais de la princesse. C'est totalement inacceptable pour les honnêtes gens et ça ne serait pas dissuasif.
La prison est une peine du moment qu'elle est une privation de liberté (au sens entendu par la loi), même partielle. Tu proposes une double peine que tu justifies par des raisonnements flous (que viennent faire les honnêtes gens, qualificatif moralisateur là-dedans ?), ou des critères non argumentés comme la dissuasion (il n'y a aucun lien démontré entre la sévérité des traitements en prison et la commission d'un crime ou d'un délit, de même, pas de relation avec les taux de récidive).
Marlaga a écrit:Une peine doit être dure, dissuasive, pourquoi pas indigne ou inhumaine, à la mesure du crime commis. Et cette peine doit avoir comme premier objectif la protection de la société civile, des innocents qui ne doivent pas être les prochaines victimes d'un criminel connu. Cet objectif passe bien avant le respect de l'humanité et de la dignité du condamné.
C'est une pétition de principe qui ne vaut que pour toi. Je n'ai pas très envie de commenter plus avant cette vision qui s'apparente à la vision d'une justice se confondant avec une forme de vengeance publique et tombant dans la fascination victimaire, sur le modèle américain.
Ton modèle est partout en usage, et partout il produit des effets désastreux car jamais l'universelle dignité humaine n'est mise en avant. Les sociétés qui prétendent recycler la violence en remplissant les prisons ou en exécutant de manière libérale sont aussi les plus violentes, celles où la dignité humaine est la moins prise en compte, celles où la fraternité fait le plus défaut,
au point de ne plus trop savoir quelle violence engendre l'autre. Marlaga a écrit:Par contre, je serais d'accord pour une autre forme de prison, plus douce et avec un objectif très clair de réinsertion pour les délinquants ré-insérables. Mais cette prison là ne serait jamais accessible aux criminels ni aux délinquants récidivistes.
La récidive ne signifie pas nécessairement l'échec irrémédiable de toute réinsertion à venir. Pour ma part, je défends une autre problématique, même si je reconnais volontiers que sur un principe de réalité, la prison est une condition nécessaire à la justice. Mon problème, c'est de trouver un moyen de compréhension de cette fraternité humaine, recherchée ardemment par toutes les communautés. Je pense que cette fraternité ne peut se produire qu'en reconnaissant à la fois l'universelle faillibilité de l'être humain (la violence nous concerne tous, puisque nous sommes tous humains) et sa perfectibilité.
Nous ne sommes pas condamnés au piège de la haine, pas plus qu'au désir de vengeance ou à l'obéissance bornée à des règles ou des lois injustes ou à la désignation d'un bouc émissaire. Il peut arriver que dans certains cas la vie humaine ne soit pas sacrée, qu'on donne sa vie pour un prochain, voire même pour son pays, et même enfin que certains actes commis soient si odieux qu'ils se situent au-delà de tout pardon, de toute grâce. C'est possible, je n'en sais trop rien, au fond. Je sais en tout cas que ça n'a rien à voir avec la délinquance quotidienne et banale, ou avec cette violence trouble au coeur de l'Homme, chez chacun d'entre nous, honnêtes ou non, gentils ou méchants.