Religion : accrochez vos ceintures !
Posté: 12 Aoû 2004, 12:34
Voilà un article (paru dans le monde) qui décoiffe !
Jesus et l'islam en prenne plein la tête...
POINT DE VUE
Je hais l'islam, entre autres...,
par Patrick Declerck
LE MONDE | 11.08.04 | 13h35
Kant rendait hommage à Hume pour l'avoir éveillé de ses années de somnolence
dogmatique. Mais s'il était une somnolence dogmatique particulière à la
démocratie ? Mais si la démocratie, au-delà de ses institutions politiques,
avait la propriété sournoise et insidieuse de créer, de par ses prolongements
idéologiques, un effet opiacé, soporifique ? Une douce sidération de la pensée ?
Quelque chose comme l'équivalent de l'incision des lobes frontaux, laissant le
sujet citoyen plaisamment semi-conscient, mollement béat. Mais si la démocratie
était en fin de compte aussi une maladie mentale ?
Ainsi, par exemple, la proposition : "Je hais l'islam." Voilà bien quelque chose
qui, en bonne compagnie, ne se dit pas. Et ce pour plusieurs raisons,
qu'ânonnent, dans un bel ensemble, les boy-scouts de tout bord.
D'abord, en ces temps de tolérance programmatique et de vacuité d'un respect
exigé a priori, "haïr" ne se fait plus. C'est même pratiquement illégal. Et d'un
laisser-aller des plus odieux... Ainsi, nos dogmes politico-religieux - et la
démocratie a placé l'homme à la place très exacte qu'occupait la divinité dans
l'ancienne architectonique de la théologie chrétienne - nous interdisent de
penser l'ennemi, de le concevoir, de se le représenter. Bref de le haïr.
Un bel esprit, bien scrupuleusement de centre gauche, annonçait récemment qu'il
n'avait pas d'ennemis. Enfant ! Comme si le choix était possible, comme si
l'ennemi était subjectif... La subjectivité, l'affect, l'émotion, voilà
aujourd'hui ce qui, pour les démocrates, tient lieu de pensée.
Aussi la question se pose : la démocratie permet-elle, dans son fondement, dans
son essence même, qu'existe encore un fait ? Un fait objectif ? Que subsiste,
quelque part, l'heuristique morsure du principe de réalité ? Non. Non, car la
démocratie n'est in fine que le dernier masque avili et souillé du
christianisme, cette vieille consolation des esclaves de Rome. Cette religion
fondée par un homme tellement affolé par la perspective du conflit oedipien face
à un père réel qu'il alla jusqu'à s'imaginer, malheureux psychotique, un père
céleste... Or "la guerre et le courage ont fait plus de grandes choses que
l'amour du prochain. Ce n'est pas votre pitié mais votre vaillance qui jusqu'à
présent a sauvé les malheureux." Ainsi parlait Nietzsche ! Ainsi parlait
Zarathoustra ! Ainsi parlait la virilité !
En attendant, en face, on s'organise. On s'organise, on planifie, on égorge et
on décapite... Je hais l'islam... Mais on ne critique pas l'islam. Ou alors,
seulement avec une très prudente obséquiosité et mille précautions langagières.
En s'entortillant, confus, dans la périphrase, le néologisme et la litote : ce
n'est pas d'islam, mais d'islamisme qu'il s'agirait. Pas de religion, mais de
fanatisme. Pas de contre-racisme, mais de communautarisme...
Et l'on se tourne vers les discutables secours des recoins de l'histoire.
Morceaux soigneusement choisis. De l'islam, on vante avec nostalgie le passé
brillant. On exhume l'un ou l'autre érudit, de préférence sourd, aveugle et
sénile. Ça ne manque pas. On le dépoussière rapidement. Et on lui fait rappeler
fort à propos que, cependant, Avicenne, au XIe siècle...
Très drôle vraiment ! Un peu comme si Erasme, More et Montaigne effaçaient, de
par leur seule grandeur, le scandale des guerres de religions interchrétiennes
ou celui de quatre siècles de livres mis à l'Index par l'Eglise de ces
catholiques, forts récents champions de la tolérance tout-terrain. Et fort
récents parce que, faut-il le rappeler, fort récemment contraints à le
devenir...
Les religions sont des névroses de l'humanité, disait Freud. Mais il est, n'en
déplaise, névrose et névrose... Le judaïsme tend à la névrose obsessionnelle :
le rite pour le rite. Au coeur du christianisme se tapit l'espoir anxieux de
noyer le pulsionnel dans un indifférencié asexué : l'amour christique, cette
tisane tiède... L'islam, lui, tend à rendre fou parce qu'il instaure un partage
entre les sexes extraordinairement et spécifiquement pathologique : une horreur
et une terreur de la femme et de sa jouissance sexuelle fantasmée comme
toute-puissante.
Face à cette dernière, il ne reste d'autre solution à l'homme que l'oppression
farouche de toute féminité. Oppression d'autant plus radicale qu'elle a pour
fonction première de recouvrir de son voile phobique le vertige secret, intime,
muet, mais omniprésent, de l'impuissance masculine et de son éternel compagnon,
la répulsion-tentation de l'homosexualité latente... D'où la nécessité aussi de
l'alliance érotisée et défensive des "frères" de l'islam. Devant les
hallucinatoires menaces du vagin denté, la sécurité et la fuite résident dans le
nombre. Ainsi, pour se protéger, l'homme musulman vit-il en banc. Comme les
petits poissons...
Je hais le fait religieux en général, parce qu'il aliène l'homme en lui faisant
prendre des messies pour des lanternes. Je hais l'islam en particulier, parce
que l'islam est un système d'oppression tragique des deux sexes.
En attendant, en face, on s'organise. On s'organise, on planifie, on égorge et
on décapite... J'entends bien qu'indiscutablement une majorité de musulmans
désapprouvent ces actes. Pourtant je persiste à haïr l'islam, parce qu'en tant
que système de pensée et d'être au monde il permet la guerre sainte. Il permet
la charia.
L'égorgement et la décapitation y sont toujours présents, ne serait-ce qu'en
tant que possibilité structurelle, car il est au coeur de l'islam, un topos pour
cela. Tout comme la pensée tardive de Marx abrite, en son sein, la pérenne
potentialité des affres des dictatures prolétariennes. Tout comme le
christianisme est inextricablement, consubstantiellement vérolé
d'antisémitisme...
Cette haine de l'islam, je revendique publiquement le droit de l'exprimer.
Publiquement. Quitte éventuellement à transgresser, oui, les lois de la
République. Car dénoncer aujourd'hui les féroces imbécillités des croyances
religieuses est plus qu'un plaisir, c'est un devoir. Et un honneur. Celui de
montrer qu'il est possible d'exister debout, sans béquilles et sans illusions.
En ces temps où, une nouvelle fois, la religion fait la guerre, il urge de
revendiquer encore, et toujours, et hautement, la dignité supérieure de l'homme
sans dieu.
Patrick Declerck est psychanalyste et écrivain, auteur de "garantie sans
moraline" (flammarion, 2004).
* ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.08.04
Jesus et l'islam en prenne plein la tête...
POINT DE VUE
Je hais l'islam, entre autres...,
par Patrick Declerck
LE MONDE | 11.08.04 | 13h35
Kant rendait hommage à Hume pour l'avoir éveillé de ses années de somnolence
dogmatique. Mais s'il était une somnolence dogmatique particulière à la
démocratie ? Mais si la démocratie, au-delà de ses institutions politiques,
avait la propriété sournoise et insidieuse de créer, de par ses prolongements
idéologiques, un effet opiacé, soporifique ? Une douce sidération de la pensée ?
Quelque chose comme l'équivalent de l'incision des lobes frontaux, laissant le
sujet citoyen plaisamment semi-conscient, mollement béat. Mais si la démocratie
était en fin de compte aussi une maladie mentale ?
Ainsi, par exemple, la proposition : "Je hais l'islam." Voilà bien quelque chose
qui, en bonne compagnie, ne se dit pas. Et ce pour plusieurs raisons,
qu'ânonnent, dans un bel ensemble, les boy-scouts de tout bord.
D'abord, en ces temps de tolérance programmatique et de vacuité d'un respect
exigé a priori, "haïr" ne se fait plus. C'est même pratiquement illégal. Et d'un
laisser-aller des plus odieux... Ainsi, nos dogmes politico-religieux - et la
démocratie a placé l'homme à la place très exacte qu'occupait la divinité dans
l'ancienne architectonique de la théologie chrétienne - nous interdisent de
penser l'ennemi, de le concevoir, de se le représenter. Bref de le haïr.
Un bel esprit, bien scrupuleusement de centre gauche, annonçait récemment qu'il
n'avait pas d'ennemis. Enfant ! Comme si le choix était possible, comme si
l'ennemi était subjectif... La subjectivité, l'affect, l'émotion, voilà
aujourd'hui ce qui, pour les démocrates, tient lieu de pensée.
Aussi la question se pose : la démocratie permet-elle, dans son fondement, dans
son essence même, qu'existe encore un fait ? Un fait objectif ? Que subsiste,
quelque part, l'heuristique morsure du principe de réalité ? Non. Non, car la
démocratie n'est in fine que le dernier masque avili et souillé du
christianisme, cette vieille consolation des esclaves de Rome. Cette religion
fondée par un homme tellement affolé par la perspective du conflit oedipien face
à un père réel qu'il alla jusqu'à s'imaginer, malheureux psychotique, un père
céleste... Or "la guerre et le courage ont fait plus de grandes choses que
l'amour du prochain. Ce n'est pas votre pitié mais votre vaillance qui jusqu'à
présent a sauvé les malheureux." Ainsi parlait Nietzsche ! Ainsi parlait
Zarathoustra ! Ainsi parlait la virilité !
En attendant, en face, on s'organise. On s'organise, on planifie, on égorge et
on décapite... Je hais l'islam... Mais on ne critique pas l'islam. Ou alors,
seulement avec une très prudente obséquiosité et mille précautions langagières.
En s'entortillant, confus, dans la périphrase, le néologisme et la litote : ce
n'est pas d'islam, mais d'islamisme qu'il s'agirait. Pas de religion, mais de
fanatisme. Pas de contre-racisme, mais de communautarisme...
Et l'on se tourne vers les discutables secours des recoins de l'histoire.
Morceaux soigneusement choisis. De l'islam, on vante avec nostalgie le passé
brillant. On exhume l'un ou l'autre érudit, de préférence sourd, aveugle et
sénile. Ça ne manque pas. On le dépoussière rapidement. Et on lui fait rappeler
fort à propos que, cependant, Avicenne, au XIe siècle...
Très drôle vraiment ! Un peu comme si Erasme, More et Montaigne effaçaient, de
par leur seule grandeur, le scandale des guerres de religions interchrétiennes
ou celui de quatre siècles de livres mis à l'Index par l'Eglise de ces
catholiques, forts récents champions de la tolérance tout-terrain. Et fort
récents parce que, faut-il le rappeler, fort récemment contraints à le
devenir...
Les religions sont des névroses de l'humanité, disait Freud. Mais il est, n'en
déplaise, névrose et névrose... Le judaïsme tend à la névrose obsessionnelle :
le rite pour le rite. Au coeur du christianisme se tapit l'espoir anxieux de
noyer le pulsionnel dans un indifférencié asexué : l'amour christique, cette
tisane tiède... L'islam, lui, tend à rendre fou parce qu'il instaure un partage
entre les sexes extraordinairement et spécifiquement pathologique : une horreur
et une terreur de la femme et de sa jouissance sexuelle fantasmée comme
toute-puissante.
Face à cette dernière, il ne reste d'autre solution à l'homme que l'oppression
farouche de toute féminité. Oppression d'autant plus radicale qu'elle a pour
fonction première de recouvrir de son voile phobique le vertige secret, intime,
muet, mais omniprésent, de l'impuissance masculine et de son éternel compagnon,
la répulsion-tentation de l'homosexualité latente... D'où la nécessité aussi de
l'alliance érotisée et défensive des "frères" de l'islam. Devant les
hallucinatoires menaces du vagin denté, la sécurité et la fuite résident dans le
nombre. Ainsi, pour se protéger, l'homme musulman vit-il en banc. Comme les
petits poissons...
Je hais le fait religieux en général, parce qu'il aliène l'homme en lui faisant
prendre des messies pour des lanternes. Je hais l'islam en particulier, parce
que l'islam est un système d'oppression tragique des deux sexes.
En attendant, en face, on s'organise. On s'organise, on planifie, on égorge et
on décapite... J'entends bien qu'indiscutablement une majorité de musulmans
désapprouvent ces actes. Pourtant je persiste à haïr l'islam, parce qu'en tant
que système de pensée et d'être au monde il permet la guerre sainte. Il permet
la charia.
L'égorgement et la décapitation y sont toujours présents, ne serait-ce qu'en
tant que possibilité structurelle, car il est au coeur de l'islam, un topos pour
cela. Tout comme la pensée tardive de Marx abrite, en son sein, la pérenne
potentialité des affres des dictatures prolétariennes. Tout comme le
christianisme est inextricablement, consubstantiellement vérolé
d'antisémitisme...
Cette haine de l'islam, je revendique publiquement le droit de l'exprimer.
Publiquement. Quitte éventuellement à transgresser, oui, les lois de la
République. Car dénoncer aujourd'hui les féroces imbécillités des croyances
religieuses est plus qu'un plaisir, c'est un devoir. Et un honneur. Celui de
montrer qu'il est possible d'exister debout, sans béquilles et sans illusions.
En ces temps où, une nouvelle fois, la religion fait la guerre, il urge de
revendiquer encore, et toujours, et hautement, la dignité supérieure de l'homme
sans dieu.
Patrick Declerck est psychanalyste et écrivain, auteur de "garantie sans
moraline" (flammarion, 2004).
* ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.08.04